La famille Gaussens cultive les fraises en pleine terre à Puygaillard de Lomagne dans le Tarn et Garonne (près de 5ha de culture de la fraise). Alain et Sylvie se sont installés en 1985 sur ces terres et se consacrent exclusivement à la culture de la fraise de pleine terre. Ils ont peu à peu réussi à maitriser sa culture et à augmenter les surfaces mises en production. Alain est parti à la retraite cette année et transmet donc son exploitation à son fils Alexis.
Après 36 ans de développement par Alain et sa femme, Alexis leur fils a repris l'exploitation après quelques années dans la mécanique et 1 année d'école d'agriculture. Il nous l'avoue, la transmission n'est pas toujours facile mais il a beaucoup de choses à apprendre et la culture des fraises est assez complexe. "Cela ne se fait pas tout seul... Essayer d'avoir de jolie fraises qui donnent envie cela demande beaucoup plus de technique".
La vraie saison des fraises
Nous les avons visités en début de saison mi avril 2021. Une grande partie des tunnels était encore sous bâche à cette saison car la fraise a besoin de chaleur pour se développer. Lorsque les nuits sont moins fraiches à partir du mois de mai, les bâches sont retirées et stockées pour l'année suivante.
On pourrait croire que cette culture ne les occupe pas toute l'année car la saison des fraises dans le sud ouest c'est d'avril à juin. Il n'en est rien. La famille plante les pieds pendant l'été, puis coupe les premières pousses à l'automne. La plante stagne pendant l'hiver et avec l'aide des tunnels et d'un air plus chaud connait ses premières fleurs à la fin du mois de février. C'est ainsi que la famille Gaussens peut proposer dès le mois d'avril les premiers fruits ! Un travail qui les occupe donc 9 mois sur 12 avec des plants qui doivent changer de sol chaque année pour rester productifs.
Lorsque les fraises arrivent avant le mois d'avril c'est qu'elles ont été cultivées sous des serres chauffées et/ou hors sol.
La quantité de travail derrière la fraise de pleine terre
Dans les tunnels, aucun tracteur ne peut passer entre les rangs tout est manuel.
Les plants mère sont rachetés chaque année et sont plantés en été à la main. La date de plantation n'agit pas sur la récolte. Tout est planté en même temps. La saison de l'été permet au plan de se développer.
Au mois de novembre avec les froids la plante stagne. C'est là qu'elle est taillée à la main entièrement pour lui permettre aux premières chaleurs de fleurir. Tant que les nuits sont fraiches, les bâches restent sur les tunnels. Pour booster la pollinisation des bourdons sont introduits en février et mars avant que les bâches soient retirées et que les abeilles puissent travailler sur les plants.
Le nombre de traitements autorisés ayant radicalement diminué, pratiquement aucun traitements n'est porté sur les pieds. Aujourd'hui ils ne désherbent plus du tout entre les rangs et le désherbage des pieds se fait à la main. Le fait de ne plus désherber entre les rangs créé un paillage et c'est plus confortable pour les salariés qui récoltent. Cela fait un peu plus fouillis mais permet de conserver un peu plus d'humidité dans le tunnel.
Toute la plantation, culture et le ramassage sont faits à la main. Le ramassage se fait tous les 4 jours à la main, très bas au sol et est très pénible.
C'est ce qui justifie que le prix de la fraise pleine terre soit plus élevé que celui de la fraise hors sol. En effet, il y a beaucoup plus de main d'œuvre pour faire de la fraise pleine terre.
De ce fait, la famille nous expliquait que la plupart des maraichers qui cultivent en pleine terre passent en bio pour mieux valoriser les prix de vente. Dans le cas de la famille Gaussens, leur gros empêchement sur le passage en bio est de trouver des terres suffisantes autour de l'exploitation. En effet, une rotation des cultures est requise pour avoir une fraise en bonne santé. Or, pour avoir une certification Bio il faudrait passer toute l'exploitation en bio et toutes les terres. La famille ne possède pas assez de terre pour la rotation et échangent des terres selon les années avec celles du voisin. Tant que ce système perdurera ils ne pourront pas se convertir au Bio même si ils ont une approche raisonnée de leur culture.
Les ressources nécessaires à la culture
La fraise a besoin de pas mal d'eau même si elle n'aime pas avoir les pieds dans l'eau. C'est pour cela qu'elle est butée et qu'un système de goutte à goutte est installé dans les butes. Il permet l'arrosage de la fraise tous les jours. L'eau de leur exploitation provient d'un lac des coteaux de Gascogne qui suffit pour la culture.
La ressource principale et limitante (comme constaté par d'autres de nos maraichers) est la main d'œuvre. Au fil du temps, Alain et Alexis ont augmenté la production mais là à près de 5ha ils arrêtent de grossir non pas à cause des débouchés mais à cause de la main d'œuvre qu'il faut trouver. La famille Gaussens peut compter sur une équipe espagnole qui revient chaque année et qui leur sont très fidèles. Ces employés sont logés sur place et rémunérés selon les conditions du droit du travail français.
Enfin, la ressource que l'on voit partout est celle des plastiques des tunnels et des élastiques qui tiennent le plastique. On les voit beaucoup dans la vidéo sur les images en drone. Je craignais que ces bâches soient à usage unique. Mais en réalité non, elles ont une longue durée de vie et sont réutilisées chaque année. Ils ne les jettent pas - c'est un vrai investissement sur une dizaine d'années.
Lors de notre visite c'était le début des grandes gelées du mois d'avril 2021. Dans la nuit certaines fraises non couvertes avaient gelé (le jaune de la fleur était noirci). L'équipe se concentrait donc sur le fait de couvrir rapidement avec des tunnels les rangs qui n'étaient pas protégés pour préserver les pieds des fraises les plus tardives.
Conseils de conservation de la fraise pleine terre
Il s'agit d'un fruit assez fragile et vivant - si on veut travailler avec de la culture raisonnée sans beaucoup de traitements on a ensuite des produits plus sensibles. Une fraise qui ne bouge pas pendant 10 jours ce n'est pas tout à fait normal...
Une fois le fruit récolté, pour les conserver, le conseil du producteur (et du primeur) est de ne pas la mettre au frigo. Si on la consomme dans les 3 jours c'est tout à fait inutile et en plus cela peut vraiment lui enlever son goût. Il vaut mieux la conserver à température ambiante mais à l'abris des coups de vent. En effet elles peuvent tourner très rapidement avec des courants d'air. Enfin, et cela on le tient des anciens, il ne faut pas les stocker à côté des oignons frais ou de l'ail frais qui émettent un gaz qui les fait tourner.
Il y a une vraie différence entre la fraise de début de saison et celle de fin de saison qui est beaucoup plus fragile car a connu beaucoup plus de chaleur.
Circuits de commercialisation de leurs fraises
Le seul mode de commercialisation de la famille Gaussens est le carreau des producteurs du MIN de Toulouse. Cela fait 30 ans qu'ils servent les mêmes clients au carreau mais aussi en livraison tous les jours en pleine saison directement chez le primeur ou le marché de plein vent. Pour le moment ils ne font pas de la vente directe à la ferme. Pour nous leur organisation nous facilite grandement le circuit court et assure une très grande fraîcheur pour le client.
Ils nous ont avoué qu'ils sentaient un changement dans les modes de consommation avec une plus grande sensibilité des clients aux produits de saison locaux. Ainsi, ils voient depuis 5/6 ans les fraises espagnoles se faire bouder sur les marchés en comparaison de la fraise locale. Le confinement n'a rien changé pour eux car leur équipe qui travaille avec eux depuis des années venait d'Espagne et que ces travailleurs transfrontaliers ont été autorisés à venir travailler. Ils n'ont donc pas eu de manque de main d'œuvre.
Leur vrai enjeu pour l'avenir est de continuer à trouver assez de main d'œuvre pour maintenir cette culture et de faire accepter leurs prix de vente par leurs clients.
Avec Dimitri nous avons monté quelques extraits de toute cette visite (2h30 quand même !) dans la vidéo ci-dessous !