Les prix dans les circuits courts

La fameuse question des prix ?

Dans cet article, nous plongeons au cœur de ce défi complexe : Comment trouver l'équilibre entre des prix justes pour les producteurs locaux et l’environnement et des prix abordables pour les consommateurs ? Nous explorons ensemble les différentes variables à prendre en compte, telles que les coûts cachés, l'histoire et origine des produits, leur qualité, et nos choix individuels.

Nous espérons que cet article vous inspirera et vous donnera des idées pour encourager une consommation responsable et locale.

Nous nous sommes réunis à la rentrée 2022 pour alerter la Région Occitanie sur le fait que les commerces physiques ou en ligne de circuits courts connaissaient des difficultés. Qu’il s’agisse de Minjat à Colomiers, le Cageot Toulousain à Portet ou les entreprises de vrac nous subissons tous la même croyance qu’il serait plus cher d'acheter en circuit court que dans les grandes surfaces. Nous avons donc décidé d’adresser ce sujet qui revient toujours sur le tapis et d’autant plus aujourd’hui dans un contexte inflationniste.

Acheter en circuit court coûte-t-il plus cher ?

La première grande difficulté pour répondre à cette question est qu’il est quasiment impossible de trouver en grande surface des produits d'une qualité et d'une fraîcheur comparable à ceux achetés en circuit court et d’autant plus via un système de précommande en ligne comme celui que nous pratiquons.

Par exemple nos fruits et légumes sont récupérés 3 fois par semaines de nos producteurs et livrés dans les 48h chez vous. Entre le champ et l’assiette il y a un indice kilométrique extrêmement bas (nos maraîchers et arboriculteurs ne viennent jamais de plus de 100km) et un temps très court (48h). Avantage supplémentaire de notre boutique en ligne, les produits sont restés à la température idéale pour eux, ont été achetés sur la base de vos commandes et ne vous ont donc pas attendus sur un étal à température ambiante.

Par ailleurs, les produits que l'on propose à la vente ont une histoire qui est mise en avant sur la boutique en ligne. L'origine est donc garantie, contrairement aux produits de grande consommation dont l'étiquetage et les labels manquent de transparence. Nous faisons toujours le choix de produits en culture raisonnée ou bio et de viandes élevées avec un respect du bien-être animal et sans aucun additif, conservateur, colorant. Tous nos producteurs ont des petites exploitations non intensives qui respectent mieux l’environnement. Ce type de produits est très difficile à trouver en tant que tel dans les supermarchés.

Pour aller au bout de cette démarche, sur notre boutique on peut trouver le nom du producteur et découvrir son exploitation. Selon nous cela permet de supprimer toute la charge mentale de savoir quel produit sera le plus vertueux lorsque l’on fait ses courses.

Malgré une qualité très différente et un manque de transparence, on constate que les prix des fruits et légumes locaux que nous vendons sont similaires voir moins élevés qu'en grande surface.  Ainsi entre une salade MPC à 1.45€ qui est ultrafraîche et qui n’a jamais été épluchée et celle du Petit Casino de mon quartier à 1.70€ il n’y a absolument pas photo.

En parlant de photo voici les deux salades côte à côte.



Pourquoi est-ce que l’on arrive à proposer des prix plus bas pour des produits de meilleure qualité ? De toute évidence cela résulte du fait que nous utilisons moins d'intermédiaires et moins de transports. Mais serait-ce également parce que les enseignes de circuit court ont un budget de communication moins important ? En effet, combien pèse selon vous le matraquage publicitaire effectué par les grandes surfaces à la radio et la tv dans le prix de leurs produits ? Chez nous le budget communication et publicité est de Zéro et on ne gagne des clients que par le bouche à oreille. Cela allège considérablement nos prix de vente.

Le circuit court face à l'inflation ?

Le circuit court connaît un taux d'inflation inférieur à l'inflation au niveau national. En comparant 5 paniers de mars 2022 à 5 paniers de mars 2023 on a trouvé 6% d’inflation contre 12.5% au niveau national sur l’alimentaire.

Pourquoi ? Le circuit court est beaucoup plus résilient car nous proposons des produits bruts peu transformés et transportés qui nécessitent donc moins de coûts énergétiques. On l’avait déjà constaté lors du confinement, là où il y avait des ruptures alimentaires sur beaucoup de produits notre système avait été extrêmement résilient pour ces mêmes raisons.

Par ailleurs, avez-vous entendu parler de la pratique (peu loyale) de « shrinkflation » ou « shrinking » ? Une pratique qui consiste à réduire les quantités pour toujours afficher un prix inchangé. Cette pratique j’ai pu la constater sur les paquets de chips, de Kellogg's et de biscottes proposées en grande surface où tout à coup dans le carton qui lui n’a pas changé on retrouve un poids de produit inférieur à avant… Étrange ? Trompeur surtout !

J’ai aussi pu le constater sur un produit qui est d’une qualité comparable à celui que l’on vend :  la truite fumée. Le carton est assez semblable et visuellement on voit bien de la truite fumée mais le prix facial affiché est en dessous de 5 euros (ce que notre cerveau analyse comme une bonne affaire à saisir).

Or en s’approchant dudit carton on lit que la quantité vendue est de 60g contre 180g chez nous. Résultat on a l’impression de faire une affaire en achetant de la truite fumée à 4.58€ contre 10.65€ chez nous. Mais en fait on est trompés… Le prix au kg dans la grande surface est de 76€/kg alors que nous vendons la nôtre 58€/kg.

La même chose existe pour les viandes sous blister dont les quantités ont baissé au fil du temps, de sorte qu’une fois cuites les 2 aiguillettes de poulet ne sont plus suffisantes pour nourrir 2 personnes. Chez nous et nos producteurs aucune de ces manipulations de poids n’a été pratiquée par transparence et honnêteté.

Quel est l'impact des produits "moins cher" ?

Acheter moins cher se fait toujours au détriment de quelqu’un ou quelque chose : la rémunération des producteurs, l'environnement et le bien-être animal. L’alimentation lowcost est en réalité très coûteuse, même si en tant que consommateurs nous n’en faisons pas directement les frais. Les aliments les moins coûteux et donc les plus accessibles sont en réalité porteurs de coût à retardement importants. Quels sont ces coûts cachés de cette alimentation ?

À long terme, l’écrasement des producteurs à qui les grandes surfaces demandent toujours des prix plus bas met en péril l’existence d’une agriculture non intensive en France et donc notre souveraineté alimentaire. En 6 ans de gérance de la boutique Mon Panier de Campagne j'ai vu disparaître un nombre important de maraîchers, éleveurs, artisans et transformateurs et tout dernièrement une entreprise familiale de pêcheurs ! Et je peux confirmer que le problème n'est pas dans la gestion par les producteurs de leur exploitation mais bien dans leurs débouchés et prix pratiqués qui sont toujours insuffisants.

Nous sommes à un carrefour important de notre autonomie alimentaire puisqu’aujourd’hui 50% de notre alimentation est importée et que ce chiffre ne baisse pas... D'ici 10 ans près de la moitié de nos agriculteurs prendront leur retraite... si leurs exploitations ne trouvent pas de rentabilité, ils ne trouveront pas de repreneurs. A terme cela fait très peur sur la qualité de la nourriture qui va être proposée dans les prochaines années.

Les produits à « bas prix » résultent souvent de conditions d'élevage peu respectueuses de l'animal – on a tous vu les reportages atroces sur le poulet de batterie et les porcs qui deviennent complètement enragés du fait de leurs conditions d’enfermement. Manger un animal doit être replacé à sa valeur juste. Cela ne doit pas être un acte banalisé du quotidien. Il est normal que manger de la viande soit plus cher que de manger une blette. Retrouver le juste prix des choses (y compris des viandes) c’est replacer leur consommation comme étant un petit luxe. C’est le fameux : « manger moins mais mieux ».

Enfin la production intensive, hors saison, hors-sol détruit à petit feu notre environnement. Elle requiert plus de traitements car le sol s’appauvrit, l’animal se fragilise etc… Autant d’arguments qui rendent urgente la promotion d’exploitations de petite taille raisonnées ou bio.

Des chercheurs ont théorisé l’ensemble de ces coûts cachés et ont appelé cela « les externalités négatives induites par l’élaboration, distribution et consommation des denrées alimentaires ». Selon cette analyse le prix de marché des produits alimentaires (celui que l’on paye) ne reflète qu’une part restreinte (entre le tiers et la moitié) de leur coût réel pour la société. On doit à Arthur Pigou la notion d’externalité négative, qui est un élément central des coûts cachés : une entreprise qui génère des effets négatifs dans son environnement, du fait de ses activités, fait supporter à la collectivité un coût supérieur à celui qui détermine le prix établi par le marché alimentaire (et que nous payons en tant que consommateurs).

En effet la nourriture de mauvaise qualité a des impacts préjudiciables pour la société et en premier lieu sur la santé humaine (50 % des coûts cachés en moyenne), puis l’environnement (35 %) et l’économie (20 %)*. Olivier De Schutter (rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’Alimentation) explique comment les coûts sociaux, environnementaux et sanitaires liés à l’alimentation ne sont à aucun moment répercutés dans le prix que le consommateur paye. Néanmoins, ceux-ci devront être payés un jour ou l’autre, principalement par les générations futures, ou encore par le contribuable. 

En ce qui concerne le coût caché de la santé d’une alimentation de basse qualité et transformée, je trouve que la donnée la plus frappante est celle donnée par l’Organisation Mondiale de la Santé : l'obésité a triplé depuis les années 1970. La consommation d'aliments bons marchés et bourrés de calories vides, plutôt d’une alimentation à base de bons produits bruts bourrés de vitamines, contribue fortement à cette augmentation.

Quand on constate cela est-ce que c'est vraiment le poste budgétaire sur lequel on veut rogner en terme de qualité pour se diriger vers des prix bas ? Le budget alimentaire a été réduit depuis 1960 dans le budget des ménages : 17% du budget annuel en 2019, 20 % en 2014 contre 35 % en 1960.

Au final, le prix doit-il vraiment être le seul critère comme nous le font croire les grandes surfaces ? Produire en respectant l’environnement est plus cher, lorsqu’on décide d’employer plus de personnel pour remplacer les produits phytosanitaires, ou encore plus de personnes pour récolter à la main au détriment des grosses machines. Il est aussi plus cher de produire lorsque l’on respecte les droits des personnes qui travaillent la terre, qui sont censés pouvoir vivre convenablement, et non seulement survivre.

Selon moi, nous avons tous un pouvoir dans notre acte de consommation et ensemble, nous pouvons contribuer à préserver notre santé, l'environnement, l'économie locale et le bien-être de nos producteurs en consommant local et en circuit court. C’est en tout cas notre combat et celui mené par nos clients depuis plus de 13 ans déjà !

*3 études menées au Royaume Uni, en Suisse et aux Etats Unis confirment ces chiffres. Au royaume uni par exemple : « chaque livre sterling payée par le consommateur génère une livre sterling de coûts additionnels non supportés par les entreprises et donc transférés à la société ». Ces coûts issus d’une analyse sur plus de 50 postes se répartissent ainsi : les maladies d’origine alimentaire (37,3 %) et professionnelles (13,4 %), soit un coût « santé » de 50,7 % ; la dégradation du capital naturel (36,3 %, dont 10,6 % pour la perte de biodiversité) ; les importations alimentaires (7,8 %)  ; les programmes de développement rural et de recherche (2,7 %) ; les subventions agricoles (2,5 %) (source : Coûts cachés et juste prix de notre alimentation : entre marché, État et communs ; par Chair UNESCO).

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